Sérieux les mecs, vous n’en avez pas marre que le patriarcat vous traite de beaufs pré-historiques ?

Selon mon ami Brice le troll, les femmes sont toutes devenues des “hystériques frustrées prenant leurs pieds à changer les hommes en lopettes parce qu’elles les haïssent”. Ce qu’il veut dire, c’est que le féminisme prend de l’ampleur — m’voyez. Les femmes remettent davantage en cause les diktats sociétaux imposés aux femmes… mais aussi les stéréotypes imposés aux hommes.

Estelle Rebollo
9 min readJun 8, 2019

Nous sommes d’accord : le sexisme recule et les mentalités évoluent. L’heure n’est plus (complètement) aux comportements virils exacerbés, on commence à comprendre que pas mal de femmes préfèrent Louis Garrel à Vin Diesel. Mais subsistent tout de même les restes d’un héritage patriarcal, créant un environnement au sein duquel des injustices plus grandes peuvent perdurer.

Alors les femmes dénoncent de plus en plus ces restes insidieux. Tous ces schémas inconscients et intégrés qu’on reproduit sans faire attention.
Ce qu’elles aimeraient, c’est qu’il y ai tout autant d’hommes —à qui le féminisme profiterait aussi, qui se lèvent et gueulent un grand coup.

“Je ne suis ni un beauf, ni un gamin, ni un animal en rut.”

Sérieux, le patriarcat vous prend quand même sacrément pour des merdes !

Spoiler Alert : Conor c’est drôle dans un match, nettement moins dans la vraie vie.

Je m’adresse à vous qui n’êtes pas parmi les tout derniers incorrigibles qui pensent sincèrement que “c’était mieux avant” (comprendre “quand on pouvait se permettre une main aux fesses” ou “quand c’était pas à nous de faire le ménage”). Vous qui avez conscience que posséder un chromosome Y ne vous rend pas plus inapte à remplir le carnet de santé d’un enfant. Vous qui ne vous complaisez pas dans un rôle de beauf dominant, par égoïsme, par confort et par flemme de faire la vaisselle. Vous qui comprenez pourquoi les féministes trouvent que les attentes sexistes sont lourdes à porter et mériteraient d’être un peu lissées. Pour tout le monde.

Le sexisme vous confisque votre rôle de père

Quand j’entends que : “Non mon chéri, les poupées c’est pour les petites filles.” et autres “Un enfant a besoin de sa mère” occultant naïvement le père, je me demande : vous n’en avez pas marre que la société vous refuse cette parentalité, cette influence ? C’est injuste de réduire toute l’ambition des petites filles à uniquement celle d’être mère, et de faire reposer sur elles seules toute la “charge” des enfants. Et ça ne vous insupporte pas qu’au passage on minimise votre importance dans la construction de votre enfant ?

Alors les féministes (femmes et hommes) se battent par exemple pour que le congé paternité ne soit pas si ridiculement court. Pour qu’on installe des tables à langer dans les toilettes publiques, côté hommes aussi. Plein de pères le demande déjà via #SquatForChange ! Egaux face à la parentalité, vous avez votre rôle et il profitera à toute la société.

La société sous-entend que vous êtes des inadaptés sans coeur

Quand on excuse certains comportements vicelard et violents, ou quand les journaux parlent de “crime passionnel” comme si c’était certes une violence, mais romantique… On vous prend pour des blaireaux préhistoriques immatures, qui ne savent pas comment donner de l’amour.
A la maternelle, on explique par exemple à Lucie que, si Enzo lui tire les cheveux, c’est parce qu’il est secrètement amoureux d’elle. Ensuite, on demande aux collégiennes de ne pas mettre de jupe, sous-entendant que ça n’est même pas la peine de tenter d’expliquer aux collégiens que c’est facile de se retenir d’avoir un comportement déplacé et agressif.
Plus tard, certains sous-entendent que les hommes finissent fatalement par être infidèles, voire larguer leurs femmes pour plus jeunes.

Les personnes soumises à ces stéréotypes sexistes ultra clichés (ceux-là même qui critiquent les féministes pour vouloir en sortir), pensent apparemment que les hommes sont complètement inadaptés aux interactions sociales. Super.

On vous compare à des animaux soumis par vos corps

“Il y aura toujours des viols, c’est comme ça : les hommes ont des envies, des pulsions” / “En même temps elle avait une jupe et elle a accepté son verre…” : je pense que vous avez autant envie de bondir que moi.
Pour excuser le comportement de sous-merdes humaines qui violent des femmes, Francis votre voisin explique que vous êtes tous des pervers dénués de réflexion, d’empathie et incapables de vous retenir.
Si c’était une question de “pulsion testostéronée”, vous seriez également incapables de vous retenir de frapper ou tuer quelqu’un qui vous énerve. Et, si 1 femme sur 7 a été agressée sexuellement, je n’ai pas l’impression qu’on ai autant de baston dans le métro que ce qu’on y prend des mains aux fesses.

Les injonctions contradictoires : “soit fort mais tendre” ça va 5 min

Dire à un petit garçon qui pleure que c’est “un truc de fille”, c’est à la fois horripilant de sous-entendre que c’est honteux d’être une fille, mais également très injuste de demander au garçon de refouler et nier ses émotions, ses sentiments. Surtout quand, des années plus tard, il pourra paradoxalement lui être reproché d’être dur, froid, distant, peu emphatique.
Ressentir des émotions n’a rien d’humiliant, même avec un chromosome Y. Et se forcer à les refouler (à ce point) se répercute fatalement sur vos relations.

On ne t’en voudra pas de ne pas avoir retenu une larmichette ou deux pour Mufasa.

Si ce cliché tend à s’améliorer, on se sent encore obligé de dire que c’est “touchant et courageux” pour un homme d’oser pleurer en public.
On en vient à parler de bravoure pour agir comme un humain et non pas comme un robot… “Il pleure, mais parce qu’il est brave. C’est beau.” 🤔

Par ailleurs, s’il vous arrive une agression aussi grave qu’un viol (s’ils sont bien moins fréquents, cela arrive tout de même), personne ne vous avez préparés à être, vous, la “victime”. Cet enjeu viril de faire preuve uniquement de force vous donne peut-être encore plus de mal à en parler ou demander de l’aide.

On sent encore les restes de concours de b*te…

Quand l’industrie de l’image vous demande de prendre toute la place, d’être des héros, d’être super virils et sûrs de vous, capables (génétiquement et intrinsèquement) de changer une roue en moins de 2 minutes, d’être riches… Ou, à défaut, super drôles ou excessivement gentil et chevaleresque pour compenser. Merci les réalisateurs, les pubards, les…
Vous n’avez pas l’impression qu’on se fou de votre gueule, à vous aussi ? Cette pression sociale, cette compétition inutile ne vous pèsent pas un peu ?

Sexuellement parlant également, vous subissez votre pression à vous : la course à la performance. Quand on sait que le féminisme tend à libérer la femme également sur ce plan là, il parait évident que cela ne bénéficierait pas qu’à elles si elles connaissaient mieux leur corps et son fonctionnement, si elles exprimaient davantage leurs envies et pouvaient être encore plus à l’aise. Côté drague, ce serait tout de même plus sympa pour tout le monde si la femme pouvait parfois oser être plus entreprenante, elle aussi.

… et la course à la masculinité peut parfois s’avérer toxique

On vous donne un enjeu inatteignable de virilité sublime et absolue. Être moyen, c’est déjà être faible. Donc pas sexy. Le “nice guy” looser. Alors il faut se montrer, avoir un avis sur tout et être persuadé qu’il mérite d’être entendu.

De temps en temps, il faut faire un truc “viril” mais contre-productif, en participant au climat lourdingue sans s’en rendre compte. Parler publiquement d’une femme comme on parlerait d’un objet. Adopter un ton paternaliste ou condescendant pour se valoriser, au détriment de l’autre. S’empêcher de goûter les mignons cocktails roses avec des pailles. Bomber le torse et chambrer son pote vierge. Moquer une femme non épilée, alors qu’on est soit même proche de l’ours. Prendre la parole et faire le paon en réunion, pour être certain que les autres sachent qu’on est brillant. 😁
Je schématise, mais je pense que vous voyez. Prouver, encore et encore.

Spoiler Alert #1 : être un homme ne tient pas qu’à un fil
Aimer Beyoncé ne remet pas en doute la virilité.
Spoiler Alert #2 : les femmes ne friendzonent pas les mecs sympas
Le mythe du Nice Guy qui ne chope pas, contrairement au Bad boy, est juste un concept inventé par des gens ne supportant pas le rejet, qui se rassurent en disant que ça ne remet pas en cause leur valeur : “C’est cette femme qui choisi mal… Et les concurrents sont forcément des cons, mais moi pas”.

Tout cela tend à placer les hommes suffisamment virils en concurrents et les autres (les “mâles non alpha”, les homos, les femmes…) en “inférieurs”. La course à la réussite pousse à être dominant, donc quelque part un mélange “protecteur” mais “bourreau”.
Certes, il n’est pas évident de refuser de se conformer aux attentes et schémas sociaux, mais je ne pense pas que vous ayez fondamentalement envie de participer —même un peu, à ce vaste concours de bite mondial, qui ne conçoit pas que le “différent” ne veut pas dire moins valeureux.

Sachez que, pour nous aussi, ne pas tout bousculer a un côté arrangeant

Au delà du fait que les femmes aient besoin que, vous aussi, vous fassiez un pas pour qu’on atteigne l’égalité, j’en profite pour vous livrer un petit secret. Ca n’est pas non plus toujours évident pour les femmes de sortir de la logique de “soumission” aux règles du patriarcat, au grand jeu bleu VS rose, même en étant du côté le moins confortable. Tout cela est, bien sûr, très peu conscient.

En tant que femme, on est valorisées lorsqu’on joue le jeu. Et surtout a contrario, en sortir coûte cher : une femme qui refuse de s’épiler les aisselles est par exemple souvent moquée, menacée de finir seule, vue comme “sale”.

Les poils masculins passent eux inaperçus, lorsqu’ils sont pourtant généralement + “velus” ! Quel paradoxe 🤨

Alors, parfois, on renonce -consciemment ou pas, à certaines libertés. On se pli à des critères sociétaux injustes et subjectifs, qui voudraient qu’on soit très apprêtées, douces et relativement dociles (mais attention, un peu salope quand même). Par envie d’être vue, par soi-même et par les autres, comme désirables, par peur d’être appelées “extrémistes”.
Les femmes aussi ont intégré le sexisme, après tout.

…et pourtant, on serait soulagé.e.s de ne plus se conformer

Ce sentiment de devoir se conformer à des attentes archaïques, vous le connaissez aussi un peu. Vous avez vu les pubs pour “agrandir la taille de votre pénis en seulement 12 heures”, vous avez déjà regretté d’avoir lourdement chambré votre pote qui n’osait pas aller draguer une fille.

Vous n’avez pas notre urgence. Vous n’avez certes pas 20% de salaire en moins à poste égal. Vous ne vivez pas non plus dans l’angoisse intégrée des violences que vos corps pourraient subir, d’être la proie : “ne pas rentrer trop tard”, “ne pas vous habiller comme ça”, “ne pas laisser votre verre sans surveillance”.

Mais le patriarcat vous fait parfois passer pour des gamins, des obsédés, des égoïstes, des dangereux, des assistés ou des beaufs. Si vous n’êtes pas la victime frontale des injustices, votre rôle n’est pas si valorisant... Le féminisme profiterait à tout le monde.

Alors allez-y : soyez ces mecs que Brice va traiter de tapettes ! Ca tombe bien, ça n’est pas insultant d’être homo 🙃
Ceux qui font mentir les statistiques et les clichés en faisant leur part du ménage sans attendre qu’on leur demande.
Ceux qui ont conscience que les stéréotypes et diktats sociaux ne sont que ça, et qu’il convient de ne pas leur laisser trop de place.
Ces rabats-joie qui ne rient pas aux vannes sexistes et homophobes faussement potaches.
Ceux qui n’hésitent pas à remettre en question leurs propres façons de penser et celles des autres, parce qu’ils ont conscience qu’on peut toutes et tous dire ou faire quelque chose de sexiste sans s’en rendre compte.
Ceux qui dénoncent les violences et défendent les droits des victimes de discriminations.
Ceux qui ne prônent pas les formes particulières de virilité qui deviennent synonymes de domination et violence.
Ceux qui osent même parler de ce que, eux, vivent mal dans le patriarcat.

For Brice.

Ressources pour ceux qui veulent aller plus loin :
Le blog du
Mecxpliqueur pour déconstruire schémas et idées reçues.
Le thread de
Boucles d’or pour devenir un super allié.
Et surtout, les articles sur le féminisme que vous voyez passer.

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