Féminazie 101 : guide de survie pour Social Justice Warrior

Si comme moi vous avez l’audace d’arpenter le territoire hostile que sont les réseaux sociaux, vous avez peut-être perdu de longues minutes -ainsi que quelques poignées de cheveux- lors de combats de clavier acharnés.

Estelle Rebollo
7 min readOct 5, 2018

Faites remarquer que les règles sont un tabou, on vous répondra qu’il y a plus grave à traiter que ces futilités (et qu’en plus, “beurk”).

Traitez alors de sujets plus lourds, comme la culture du viol, on vous traitera de ‘féminazie’ parce que franchement “on ne peut plus rien dire” et tout un tas de joyeusetés plus hors sujets qu’une tirade de JCVD.

Quand ton troll n’a même pas le mérite d’être drôle comme un JCVD.

Derrière chaque article vaguement engagé, chaque micro débat de société, on retrouve les mêmes commentaires “trollesque” ou très premier degré. J’aimerais répondre une fois pour toutes à ces mythes coriaces du #YaPlusGrave et #OnPeutPlusRienDire, grands classiques du relou double deluxe supplément mauvaise foi qui te traite de “gauchiasse bien-pensante” parce que tu as l’indécence de lui donner des statistiques.

Que dire ?

Ce post est une micro-synthèse de différents articles, un condensé d’arguments tout basiques, par typologie de critique. Voici ce que, pour ma part, je réponds en général.

1Le féminisme ne sert plus à rien, l’égalité est atteinte” et autres “Maintenant c’est les hommes qui ont peur des femmes car elles ont le pouvoir”, par ton ami le troll négationniste qui vit dans une caverne sur l’île de la mauvaise foi.

“Ouais enfin, moi, j’aide toujours à faire la vaisselle d’abord, alors le monde entier va forcément bien”.
  • Si le patriarcat n’existe plus, comment expliquer qu’ 1 mec sur 10 bat sa femme, qu’1 femme sur 7 a été agressée sexuellement, que seulement 21,5% des interlocuteurs dans les journaux soient des femmes ? Pourquoi les femmes ont-elles peur de rentrer seules le soir, pourquoi même les diplômées de Sciences Po sont payées 28 % de moins que leurs condisciples masculins ? Comment se fait-il que certains parents estiment que les garçons ne doivent pas pleurer, que jouer à la poupée (se préparer à la parentalité, donc) est plutôt “un truc de fille” ? N’est-ce pas un peu toxique et absurde, pour les femmes comme les hommes, de se construire enfermé dans un rôle, ou de s’en voir confisquer un ?

Découvrir l’article dans son intégralité (vous y trouverez aussi les sources) !

2 “M’enfin y a des sujets plus graves”, sur son lit de “Sans déc’ on s’en fou de ça, vous êtes hystero pour rien”, par ta collègue qui est persuadée qu’on ne devrait prendre la parole que pour parler d’excision et que le reste va se résoudre tout seul et ne nécessite pas de débat.

  • Spoiler alert : l’un n’empêche pas l’autre et parler à 13h34 du tabou qui entoure les règles, ne m’empêche pas d’être engagée dans une asso’ qui lutte contre l’excision. On me signale dans l’oreillette que l’être humain n’est donc pas condamné à être sur un mono-sujet toute sa vie. Incroyable.
  • Ensuite, ce qui peut te paraitre anecdotique participe à un tout. Prenons par exemple le viol, puisque certains souhaitent plutôt parler de sujets “importants” jugés plus “dignes” d’être discutés. Le viol, c’est interdit et punit. Mais ça continue d’exister. Que faire de plus, dans ce cas, si ce n’est chercher d’où ça vient, discuter et s’interroger pour comprendre quels petits restes, visibles et invisibles, frontaux ou insidieux, vont créer un tout qui légitimise aux yeux de certains des comportements pourtant aberrants et punis ?
  • En quoi hiérarchiser l’importance des combats et minimiser certains débats permet d’avancer et réduire les injustices ? L’article commenté n’a rien de dérangeant. On n’attaque personne, il s’agit de soulever un point. Critiquer, dénoncer et débattre autour d’un événement pouvant paraître anodin, c’est en réalité une manière de parler d’un système, de représentations. D’éveiller les consciences, par l’exemple.

Lire l’article entier, par ici !

Quand tu réalises que ça fait pas tout, mais que ça participe un peu à un tout !

3 “On peut plus rien dire” et son meilleur pote “Eh t’as pas d’humour, ça va c’est pas grave” par Gégé à la compta, qui a trop peur des méchantes femmes vindicatives qui refusent de se faire agresser depuis #MeToo.

  • Et si on apprenait à se remettre en question, toutes et tous ? Il est temps d’accepter que nos paroles sont parfois effectivement à revoir. Si il y a débat et conflit, c’est que ça n’est pas si absurde ou anodin que cela. Certes, arriver à accepter l’idée qu’on vit dans un monde encore sexiste et que, parfois, on peut entendre des trucs pas terribles et ne même pas voir le problème sur le coup, ça fait mal. Mais, quand on nous le fait remarquer, rien ne sert de se vexer : écoutons et prenons du recul pour y réfléchir.
  • Généralement, c’est celui qui n’est pas concerné qui râle, et ça n’est pas un hasard (un blanc qui pense que “c’est pas raciste” car lui ne l’aurait pas mal pris, un hétéro qui explique que dire “Ha ha nan j’suis pas un PD” c’est pas si homophobe etc). Par exemple, dire que “comme on ne s’est pas vexé sur la blague de Gad sur les blonds, alors on peut faire une blague de très mauvais goût sur les noirs”, c’est de la malhonnêteté intellectuelle. Être blond n’est pas discriminant sur un CV, et il n’y a pas d’idiots à chapeaux pointus blancs qui fracassent le crâne des blonds qu’ils croisent.
    N’étant pas confronté à l’oppression systématique et systémique, aux micro-agressions, on ne peut pas forcément mesurer leurs impacts, fréquences et violences et comparer nos ressentis. Ecoutons ceux qui savent de quoi ils parlent, avant de se braquer et s’auto-persuader qu’on sait très bien et que tout va bien. Et même les concernés peuvent passer à côté, rien de vexant donc à ne pas avoir remis en question ce point avant !
  • Est-ce que c’est pas plus mal que, parfois, on ne puisse pas tout se permettre non plus ? Liberté d’expression ne veut pas dire liberté d’être blessant et contre-productif. Dénoncer par l’humour, c’est top ! Mais quand Tex fait une blague très douteuse sur les violences conjugales sur une chaîne publique, il y a un paquet de beaufs dangereux qui prennent la blague au premier degré. En fait, 1 homme /10 bat sa femme. Ca vaut peut-être le coup de faire gaffe et ne pas laisser penser aux coupables et victimes qu’on “légitime” presque ou minimise une oppression.
    Moquons nous des violents et non pas des violentés.

Pourquoi le dire n’est pas une perte de temps ?

Je ne réponds pas vraiment au troll. Je réponds pour tous les gens qui liront ce post et seront influencés par les commentaires.

Ma pause déj quand je lis que “l’homosexualité se soigne par la psychanalyse”.

Ca n’est même pas vraiment au troll borné que je m’adresse. Lui qui essaye de faire taire le féminisme, de le discréditer parce que ça perturbe ses repères confortables, ne changera probablement pas d’avis.
Personnellement, je m’adresse aux gens qui vont lire les commentaires et se forger un avis, car on sait que la lecture des commentaires influe sur leur point de vue et perception de l’article, du sujet. Apporter des propos de tolérance et d’ouverture, rétablir la vérité quand certains commentent négativement sans avoir lu, c’est déjà essayer d’influer petit à petit sur notre quotidien et notre avenir. Ce qui me semble nécessaire, quand on voit la montée de l’extrême droite, la recrudescence des agressions de couples homosexuels etc.

Prendre 5 minutes pour répondre -plutôt que pour regarder 8 minutes de vidéo sur le dernier téléphone en vogue, n’est donc pas seulement avoir une discussion stérile, ça participe à un tout.

1) De manière directe, par l’influence sur les pairs

Par la suite, ces mêmes gens à qui tu pointes un élément toxique peuvent, si tu arrives à leur tirer un petit “tiens, c’est pas faux”, faire la remarque à leur pote au moment où il dirait quelque chose de lourdingue. Et faire ainsi en sorte que notre quotidien devienne tout de suite plus agréable.

2) Indirectement, en éveillant les consciences

Si la loi n’arrive pas à empêcher injustices et agressions, alors c’est à nous de décortiquer les cas insidieux qui permettent à ces injustices de perdurer. Les faits légers, isolés, anecdotiques font partie de continuums raciste, homophobe, patriarcal etc, bien ancrés dans notre société. C’est en apprenant à prendre du recul sur ce qui parait normal -car habituel- et en déconstruisant ce qui devrait l’être qu’on fera évoluer les mentalités.

Certains d’entre nous s’en prennent plein la gueule (discrimination, agressions) et n’ont pas le luxe de pouvoir attendre que les consciences s’éveillent au rythme de croisière. Jouer publiquement les Social Justice Warrior (“SJW” pour les trolls et les intimes) n’est pas grand chose, mais c’est une manière de planter des graines. A son échelle.

PS : Oui oui, les trolls parlent de “féminazie”. Sachez-le, donc, souhaiter très fort l’égalité économique et sociale entre homme et femmes peut apparemment s’apparenter à commettre un génocide. Oui oui. 😙

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